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Et si l’Europe ne s’était pas relevée de l’épidémie de peste noire dans les années 1347-1349 ? Le monde aurait alors été dominé par les civilisations musulmane et chinoise, chacune cherchant à imposer ses vues dans tous les domaines, notamment religieux.

Chroniques des années noires est donc une uchronie qui, sur pas moins de 700 ans, reconstruit l’histoire du monde à travers dix incarnations de trois personnages. Reconnaissables par leur comportement et l’initiale de leur nom (il y a "B." le sage, "K." le révolté et "I." le savant), chaque destin individuel se répond à lui-même, et aux autres, montrant tout en finesse que le monde est en évolution permanente, que ce soit le fait d’un révolutionnaire ou d’une jeune femme naïve.

Ces 700 ans d’Histoire revisitée sont en outre complets. Tous les aspects de la vie en société sont analysés point par point, qu’ils soient politiques, économiques, scientifiques, religieux ou tout simplement humains. D’ailleurs les préoccupations de ce monde uchronique ne sont guère éloignées des nôtres, ce qui nous fait arriver à la conclusion qu’il importe peu que l’Amérique ait été découverte par la Chine, que le chemin de fer ait été inventé par l’Inde, ou que l’atome ait été isolé par les musulmans.

On en arrive ainsi au seul point négatif de ce roman : la traduction de son titre. Traduire "The Years of Rice and Salt" par "Chroniques des années noires" fait non seulement perdre le caractère évocateur du titre original (l’Islam est la civilisation du sel, la Chine celle du riz), mais fait aussi penser à un parti pris idéologique dans lequel il n’y aurait pas de salut possible dans une civilisation autre que judéo-chrétienne, ce qui est pour le moins douteux.

Mais ceci ne retire rien à l’impressionnant travail de Kim Stanley ROBINSON. Son érudition est au service d’une prose de grande qualité, volontairement axée sur la psychologie des personnages. Certains lecteurs se plairont à identifier les nombreuses références aux littératures orientales qui parsèment son roman (Ibn Khaldûn, Wu Cheng’en…), les autres apprécieront de participer à la réflexion sur le monde et la nature humaine à laquelle l’auteur nous invite. Un grand moment de lecture !

Chroniques des années noires - Kim Stanley ROBINSON (The Years of Rice and Salt, 2002), traduction de David CAMUS et Dominique HAAS, illustration de Nicolas CAMINADE, Pocket, 2020, 1032 pages

Chroniques des années noires - Kim Stanley ROBINSON (The Years of Rice and Salt, 2002), traduction de David CAMUS et Dominique HAAS, illustration de Nicolas CAMINADE, Pocket, 2020, 1032 pages

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