Jake Marlowe est le dernier puisque l'Organisation Mondiale pour la Prédation des Phénomènes Occultes (OMPPO) vient de tuer le Berlinois. Alors après 167 années de lycanthropie, la lassitude se fait plus pesante encore, et il est clair dans l'esprit de Marlowe que la prochaine pleine lune sera la dernière, bien décidé qu'il est d'aller à la rencontre de l'OMPPO et de son ennemi le plus acharné. Et pourtant le destin s'acharne puisqu'une mystérieuse organisation semble vouloir le protéger malgré lui et qu'une improbable rencontre va lui faire retrouver goût à sa vie de loup-garou.
Voilà donc une intrigue a priori cousue de fil blanc, en tout cas pour les habitués des littératures populaires qui usent et abusent de telles thématiques, qu'elles soient vampiriques ou lycanthropes. De fait, Le dernier loup-garou en adopte la structure et le rythme, les rebondissements s'enchaînant à un rythme effréné et sans guère de temps morts.
Pour autant le roman de Glen DUNCAN n'est pas que cela, bien au contraire. C'est déjà parce que sa prose est extrêmement travaillée, mêlant subtilement crudité et raffinement, et rendant parfaitement compte de l'état d'esprit du personnage principal, narrateur pour l'occasion ; c'est ainsi que les scènes de meurtres horribles qui ne devraient être que sordides deviennent sous sa plume très belles, en particulier celle de sa première métamorphose.
C'est aussi parce que DUNCAN introduit de nombreuses digressions dans son récit, lesquelles sont dédiées au genre humain dans son ensemble et peu tendres avec lui. A ce niveau, la technique narrative est similaire à celle que l'auteur avait utilisé dans son premier roman publié en France, et même mieux utilisée puisque le lecteur ne ressent pas ici le caractère décousu du récit que l'on pouvait reprocher à Moi, Lucifer. Elle dote en outre le personnage de Jake Marlowe d'un charisme indéniable, le rendant par moment plus humain que les humains (« Pour le monstre comme pour l'homme, la vie n'est qu'une longue surprise de moins en moins vive face à la manière dont chacun s'accommode de ses pires côtés. »). Accessoirement, ici et là, et non sans humour, les français en prennent sévèrement pour leur grade (« Tu es française. Si tes compatriotes arrêtaient de se poser des questions, les industries du café et du tabac s'écrouleraient. »).
Tout cela fait du Dernier loup-garou un divertissement bien plus fin qu'il n'y paraît, une incontestable réussite dont on lira la suite programmée en deux autres tomes avec plaisir.