La Guerre des Marionnettes - Adam-Troy CASTRO

Troisième et dernier (provisoirement en tout cas) volume dans la série qu'Adam-Troy CASTRO consacre à Andrea Cort, La guerre des marionnettes se démarque quelque peu des précédents opus.

La pièce de résistance qui donne son titre au recueil (War of the Marionettes, 2010) délaisse en effet la dimension enquête des aventures de l'héroïne pour l'immerger dans un univers des plus étranges à la poursuite de ses démons intimes (invisibles). Pour être tout à fait précis, il convient de préciser qu'Andrea Cort est bel et bien amenée à résoudre une énigme, mais celle-ci demeure au second plan tout au long du roman et se révèle facile ; elle est d'ailleurs résolue en quelques pages dans le tout dernier chapitre. Le vrai sujet est donc la planète Vlhan, peuplée de créatures que d'aucuns surnomment les marionnettes puisqu'elles prennent la forme de sphères desquels émergent d'immenses tentacules servant à la locomotion et à la communication. Encore est-il que le terme de communication est quelque peu galvaudé puisqu'à peu près personne n'est capable de la décrypter.

Une chose est certaine c'est que les vlhanis fascinent. Et c'est tout particulièrement le cas de leur rite annuel, appelé le Ballet, immense pantomime dans lesquels ils dansent (se désarticulent) jusqu'à ce que mort s'en suive. Cette tradition resterait une simple curiosité si des pèlerins d'autres peuples, parmi lesquels des humains, ne se joignaient pas au Ballet, au prix de quelques greffes et transformations physiques, et en se soumettant aux mêmes règles.

C'est donc autour de ce world building qu'Adam-Troy CASTRO développe une intrigue certes pleine d'action mais aussi d'une grande complexité et à l'ambiance très noire. Il relie en effet l'histoire personnelle de son héroïne à la culture vlhanie et le lecteur est invité in fine à une lecture obligatoirement attentive s'il veut en appréhender toutes les dimensions et tous les enjeux.

Pour cela la lecture en amont de la nouvelle qui ouvre le recueil pourra être précieuse. Les Lames qui sculptent les Marionnettes (The Knives that Carve the Marionettes, 2019) fait d'une part le pont entre La Troisième griffe de Dieu et La Guerre des marionnettes. Elle nous en apprend d'autre part beaucoup sur la destinée des pèlerins qui participent au Ballet des vlhanis. L'absence totale d'Andrea Cort est compensée par l'histoire poignante de Jason Bettelhine, personnage secondaire de La Troisième griffe de Dieu.

Le recueil se referme sur une nouvelle bien plus conforme à ce que l'on connaissait jusque-là de la série, La Cachette (Hiding Place, 2011) relevant du huis-clos façon Whodunit dans l'espace. On y apprend beaucoup sur les inseps, ces individus multiples partageant un esprit et une personnalité augmentés. Bien que capables de comportements individuels, ils parlent et agissent le plus souvent de concert, et doivent être considérés comme une seule personne. Andrea Cort les connaît bien puisque ses gardes du corps (et amants) forment une paire d'inseps. Ses connaissances vont lui permettre de répondre à une question faussement simple : un meurtre proféré par une partie d'un insep doit-il être imputé à cette seule partie, ou est-il de la responsabilité de toutes les parties le composant ?

Au final le présent recueil est certainement le plus riche des trois consacrés jusque-là à Andrea Cort. Il est aussi le plus complexe de par le mode narratif du roman éponyme, ainsi que dans la nouvelle qui le précède. Mais tout comme l'univers qu'il décrit, La Guerre des marionnettes fascine et permet à Adam-Troy CASTRO d'enrichir encore un peu plus une héroïne qui prend décidément une épaisseur hors normes au fil des volumes.