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Avant sa parenthèse Fantasy, Jean-Philippe DEPOTTE s'était fait connaître par des reconstitutions historiques mâtinées de Fantastique. C'était un Paris alternatif au début du XXème siècle, puis la France du XVIème siècle reconstituée autour de la personnalité de Nostradamus. Son troisième roman relève également de cette veine, et s'intéresse cette fois-ci à la Commune de Paris.

Début 1871, la colère gronde dans les rues de la capitale. Depuis le 17 février le gouvernement de la Troisième République est dirigé par Adolphe Thiers, représentant d'une majorité monarchiste. En amont de la préparation du retour du Roi, son objectif est de conclure rapidement une trêve avec la Prusse, ce qui équivaudrait à une capitulation définitive dans une guerre aussi mal préparée que gérée. Les Parisiens, qui ont supporté un siège très dur, ne l'entendent toutefois pas de cette oreille, et veulent protéger Paris des allemands et ouvrir une nouvelle ère politique et sociale. C'est donc une épreuve de force qui s'ouvre, entre des royalistes, grands bourgeois et conservateurs provinciaux retirés à Versailles d'une part, une population parisienne soumise à des conditions de vie draconiennes, et par ailleurs durement touchée par la famine consécutive au siège de Paris par les allemands d'autre part. Quand le gouvernement Thiers décide de soustraire aux parisiens les canons entreposés à Belleville et Montmartre, le peuple se sent directement menacé et proclame la Commune, appuyé en cela par un demi million de fusils.

C'est dans ce contexte que Lucien Bel, avec son régiment de retour du front d'Alsace, pénètre dans les rues de Paris. Contraints à la débandade par l'ire de la population, les militaires se dispersent et Lucien, accompagné de deux de ses amis, échoue dans un meublé ; le répit n'est toutefois que de courte durée, la tension entre les militaires et les occupants du logement étant palpable, laissant bientôt la place aux insultes, menaces et coups de feu. Lucien Bel finit par se réveiller dans un hôpital, trois plaques métalliques vissées à l'arrière de son crâne.

Il s'avère qu'il a été pris en charge par le professeur Jean-Baptiste Delestre dans son laboratoire de l'hôpital de la Pitié, soi-disant pour le sauver des conséquences d'une balle qui lui aurait traversé le crâne. Mais Delestre est phrénologue, et à ce titre convaincu que la forme d'un crâne est déterminante quant à l'état des différentes facultés mentales de l'individu concerné. Pour lui, le crâne de Lucien est parfait et justifie que le jeune militaire devienne son cobaye dans de mystérieuses expériences, pouvant servir par ailleurs le gouvernement dans sa lutte contre les velléités révolutionnaires du peuple. Autant de raisons qui justifient que Lucien décide de s'enfuir, quitte à se retrouver dans le chaos des rues parisiennes.

Lucien Bel a pour caractéristique d'être profondément non violent, se qualifiant lui-même de « soldat qui ne tue pas ». Si c'est justement ce qui intéresse Delestre à des fins d'annihilation de la vindicte populaire, Lucien lui ne comprend pas plus la violence populaire que celle, plus légale, du Gouvernement versaillais. C'est dans cet état d'esprit qu'il devient le témoin oculaire de la Commune de Paris, croisant la route de nombreux acteurs historiques de cet épisode (Nadar, Julles Allix, Eugène Pottier, Adolphe Thiers lui-même...), et tentant de comprendre ce qui lui est réellement arrivé dans ce garni qui l'a conduit directement dans le laboratoire de Delestre. Ce faisant, il théorise sur « l'art de tuer », de l'importance de « l'intensité de l'injonction [...] et la légitimité de l'autorité qui l'énonce », à sa finalité : « effacer quelqu'un, ou quelque chose, de la réalité ».

C'est ce qui donne toute sa force à cette reconstitution historique d'un épisode complexe et finalement méconnu de l'Histoire de France. Jean-Philippe DEPOTTE se garde bien de tout manichéisme, et utilise les éléments propres à l'imaginaire uniquement pour servir l'action. D'ailleurs les expériences du professeur Delestre demeurent dans l'ombre de bout en bout du roman, ce qui sera probablement le seul reproche que pourra lui faire le lecteur venu chercher avec Le crâne parfait de Lucien Bel autre chose qu'un roman historique.

CITRIQ

Le crâne parfait de Lucien Bel - Jean-Philippe DEPOTTE (2012), illustration de Clément CHASSAGNARD, Denoël, 2012, 486 pages

Le crâne parfait de Lucien Bel - Jean-Philippe DEPOTTE (2012), illustration de Clément CHASSAGNARD, Denoël, 2012, 486 pages

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