Enfants de la Terre et du Ciel - Guy Gavriel KAY

Péro Villani, jeune peintre de Séressa, est mandaté par le Conseil de la République pour réaliser le portrait du Grand Calife. Il devra donc se rendre au cœur de l’empire ennemi, dans l'ancienne Sarance, rebaptisée Asharias 25 ans plus tôt, et pénétrer dans les appartements de Gurçu le Ravageur.
Léonora Valéri a reçu elle aussi une proposition difficilement refusable : elle pourra quitter le couvent dans lequel elle est cloîtrée par son père si elle espionne dans la cité marchande de Dubrava pour le compte de la République de Séressa.
Cadet d'une riche famille de Dubrava, Marin Djivo est chargé de leur faire traverser la mer de Séressa. Le navire est toutefois abordé par un groupe de raiders senjan au sein duquel se trouve Danica Gradek.
Dès lors les quatres personnages voient leurs destinées définitivement liées entre elles et à celle du monde dans lequel ils vivent...

Fidèle à son habitude KAY revisite librement  l'Histoire dans cet Enfants de la Terre et du Ciel. Cette fois-ci il s'intéresse aux pirates uscoques qui, aux XVIème et XVIIème siècles, avaient pour vocation de ralentir l'avancée ottomane dans les territoires européens. Basés à Senj (Senjan dans le roman) sur invitation des Habsbourg (le Saint Empire de Jad), ce peuple était composé de chrétiens bosniaques et menait des attaques éclairs sur les routes maritimes vénitiennes (la République de Seressa). Car la position de Venise était alors ambiguë, la cité garantissant la sécurité des navires ottomans depuis le milieu du XVIème siècle.
C’est sur cette toile de fond que KAY développe sa propre histoire, prenant volontairement des libertés avec la chronologie, rebaptisant lieux et personnages, donnant à ces derniers une grande densité dramatique, et saupoudrant le tout d'une pincée de pur imaginaire.

A tous ces titres, Enfants de la Terre et du Ciel est digne des plus grands romans de Guy Gavriel KAY. C'est peut-être même son meilleur roman depuis Les Lions d'Al-Rassan. Certes le contexte purement historique est si complexe qu'il peut paraître obscur sur certains points de détails, mais la caractérisation des personnages est si réussie qu'elle donne à sa Fantasy historique une grande force émotionnelle. D'ailleurs d'autres auraient construits un roman pour chacune des destinées des quatre personnages principaux ; KAY ne boit pas de cet eau et les mêle habilement dans un récit qui a juste ce qu'il faut de lyrique pour conférer à son roman des allures de page-turner difficile à lâcher une fois entamé.

On l'avait peut-être oublié depuis quelques années, Guy Gavriel KAY est le maître de la Fantasy historique. Dès lors Enfants de la Terre et du Ciel sonne comme un brillant rappel à l'ordre.