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Autant il est facile d'imaginer une réécriture de l'Iliade dans un roman de Fantasy, autant l'exercice peut surprendre dans une oeuvre de Science Fiction. C'est pourtant ce qu'a réalisé Dan SIMMONS dans une vaste fresque en deux volumes, Ilium suivi d'Olympos. Et SIMMONS étant l'auteur que l'on connaît, l'oeuvre mérite que l'on s'y arrête.

L'action d'Ilium, du nom latin de la cité de Troie, se déroule dans le système solaire quelque quatre millénaires en aval de notre XXIème siècle. L'intrigue qui s'y déroule est une trame de trois récits dont la convergence s'achève à la fin d'Olympos, d'après le nom du plus haut relief connu du système solaire, Olympus Mons, volcan bouclier situé sur la planète Mars et culminant à 27 000 mètres.

Les dieux de l’Olympe sont des posthumains. Ils ont depuis longtemps assimilé les arcanes de la physique quantique ce qui leur confère une quasi-immortalité et des pouvoirs illimités. Ils sont ainsi capables de traverser l'espace et le temps, et d’intervenir dans le devenir des hommes. Ils sont basés sur le Mont Olympe de la planète Mars terraformée où est en train de se dérouler une guerre antique, celle de Troie. Les dieux s'amusent bien entendu de ce spectacle et jouent à comparer ce conflit avec celui qui a été narré jadis par HOMERE dans l'Iliade. Pour les aider dans cette tache, ils recrutent un corps de vérificateurs, les scholiastes, des humains qui ont vécu pendant l'Ere Perdue et qui sont ressuscités pour surveiller le déroulement du conflit, et signaler le moindre écart avec le poème bien connu. Il est vrai que dans leur première vie ils étaient des hellénistes spécialistes d'HOMERE et de l'Iliade, comme Thomas Hockenberry, Professeur d'université du XXème siècle, que nous suivons tout particulièrement.

Dans la ceinture d'astéroïdes, les moravecs sont des organismes autonomes, conscients et biomécaniques. Nommés ainsi en hommage au roboticien Hans Moravec, ils sont strictement spécialisés et parfaitement adaptés au vide et aux radiations qui règnent dans la ceinture d'astéroïdes ou sur les lunes de Jupiter. Ils s'inquiètent de l'intense activité quantique sur Mars et y dépêchent une expédition à laquelle prennent part Mahnmut et Ophu d'Io. Humanistes tous les deux, ils sont respectivement passionnés par les oeuvres de SHAKESPEARE et de PROUST sur lesquelles ils aiment débattre en toutes circonstances.

Quant à la Terre elle est peuplée de quelques milliers d'humains "à l'ancienne". Ils vivent dispersés sur une planète vidée, se déplaçant d'une de leurs résidences à l'autre en empruntant des portails-fax. Inspirés des Eloïs de WELLS, ils sont totalement oisifs et ne s'interrogent pas sur le monde qui les entoure, ni sur le fonctionnement des machines, serviteurs robotiques qui assurent leur confort, et Voynix qui les protègent des bêtes sauvages, dont les dinosaures ressuscités. Sauf qu'une poignée d'entre eux font figure d'iconoclastes en se posant justement des questions et en cherchant les réponses. Parmi eux il y a Hannah qui s'est mis en tête d'inventer la forge, Harman qui a appris à lire et rêve d'aller dans l'espace pour gagner quelques années de vie supplémentaires, limitée à 100 ans pour tous, Ada et Daeman, tous deux inspirés de Ada ou l'ardeur de Vladimir NABOKOV, la première étant amoureuse d'Harman, le second d'Ada.

Trois histoires dans une grande histoire donc. La première est telle que la mythologie grecque a laissé son empreinte dans l'imaginaire collectif, pleine de bruit et de fureur. La deuxième rend hommage à la technologie poussée à son extrême grâce à laquelle les robots sont plus humains que les hommes eux-mêmes. La troisième montre l'humain dans toute sa faiblesse, totalement inerte dans un monde mécanisé, et obligé de tout réapprendre dès lors que les machines sont défaillantes. Les trois sont traitées avec beaucoup d'humour, ce qui est une première pour Dan SIMMONS. Ce qui n'est pas nouveau en revanche, c'est que l'auteur s'appuie sur une multitude de références littéraires tout au long du roman ; c'est ainsi que Thomas Hockenberry s'appuie sur ses connaissances de scholiaste pour analyser et anticiper les évènements qui se déroulent sous ses yeux, que les moravecs Mahnmut et Ophu d'Io s'en remettent sans cesse à leurs passions respectives pour mieux comprendre les humains, que ces derniers sont contraints d'en revenir à l'écrit pour se sortir d'une situation dans laquelle ils sont totalement démunis. En d'autres termes, la culture d'une manière générale, et la culture littéraire en particulier, sont essentielles pour vivre dans une société civilisée.

Pour toutes ces raisons Ilium/Olympos est une oeuvre d'une grande richesse et les personnages de Thomas Hockenberry, de Mahnmut et d'Ophu d'Io sont particulièrement réussis et attachants. C'est malheureusement moins vrai des humains "à l'ancienne" qui n'en finissent pas de se perdre dans des aventures aussi extraordinaires que peu crédibles. Si cela est peu dérangeant dans le premier volume, qui se concentre surtout sur le scholiaste et les deux moravecs, c'est beaucoup plus pénible dans le second, qui se consacre longuement au pourquoi et au comment du destin de l'humanité à grand renfort de figures mythologiques, certes inspirées des personnages de La Tempête de William SHAKESPEARE, mais pour le moins saugrenues et confuses dans le contexte de ce roman. Mais le ridicule est atteint quand l'élément clé de l'intrigue d'Olympos est dévoilé, et par le biais duquel Dan SIMMONS s'égare dans un militantisme pro-sioniste et franchement anti-palestiniens aussi malvenu que douteux.

La lecture du diptyque Ilium/Olympos ne peut donc qu'engendrer des sentiments mitigés. Si la première partie est enthousiasmante grâce aux aventures martiennes de Thomas Hockenberry et des moravecs, et en dépit des faiblesses des aventures terriennes des humains, la seconde, plus longue et moins rythmée, est bien plus ennuyeuse, voire même agaçante pour le parti pris manifeste de l'auteur. Et comme la seule lecture d'Ilium s'achève sur un sentiment d'inachevé, celle d'Olympos s'impose et fait que ce sont les sentiments négatifs qui dominent une fois le livre refermé. En d'autres termes, on est bien loin de la qualité de nombreuses autres oeuvres de Dan SIMMONS, et notamment de sa précédente oeuvre de Science Fiction, Hypérion.

CITRIQ CITRIQ

Ilium / Olympos - Dan SIMMONS (Ilium, 2003 ; Olympos, 2005), traduction de Jean-Daniel BRÈQUE, illustration de Jean-Sébastien ROSSBACH, Pocket collection Science-Fiction n° 5858, 2007-2008, 896 et 1024 pagesIlium / Olympos - Dan SIMMONS (Ilium, 2003 ; Olympos, 2005), traduction de Jean-Daniel BRÈQUE, illustration de Jean-Sébastien ROSSBACH, Pocket collection Science-Fiction n° 5858, 2007-2008, 896 et 1024 pages

Ilium / Olympos - Dan SIMMONS (Ilium, 2003 ; Olympos, 2005), traduction de Jean-Daniel BRÈQUE, illustration de Jean-Sébastien ROSSBACH, Pocket collection Science-Fiction n° 5858, 2007-2008, 896 et 1024 pages

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