En novembre 1917, Freddie Iven, consécutivement à un assaut sur le site de Passchendaele en Belgique, se retrouve coincé sous une casemate avec un soldat allemand. Tous deux, désorientés et blessés, doivent unir leurs efforts pour se libérer et survivre dans le no man's land. En janvier 1918, Laura Iven, de retour du front où elle était infirmière dans les Flandres, vit une convalescence inquiète à Halifax dans son Canada natal. Car son frère, Freddie, est resté sur place, en première ligne, et dans les tranchées. Sans nouvelles, si ce n'est de sa disparition, et incapable de croire à sa mort, elle décide de revenir en Belgique…
Le nouveau roman de Katherine ARDEN est une Fantasy historique qui a pour première particularité de reconstituer un des épisodes les plus sanglants et inutiles de l'Histoire anglo-saxonne. Village rural en Flandre occidentale, Passchendaele, dans la région d'Ypres, fut en effet le théâtre d'une bataille entre une coalition britannico-canadienne d'une part, et l'armée allemande d'autre part, à l'automne 1917. L'objectif des alliés était de soulager la pression des allemands sur l'armée française, lequel fut officiellement atteint, mais au prix de pertes humaines colossales. Celles-ci sont généralement estimées à plus d'un demi-million de morts et disparus, à peu près équitablement répartis entre les deux camps.
La deuxième particularité du roman est de mettre en scène une femme dans un tel contexte. Laura Iven est certes infirmière volontaire, mais il est rare dans l'imaginaire collectif associé à la Première Guerre mondiale d'y voir une figure féminine. Néanmoins, ce choix narratif est parfaitement réaliste et en l'occurrence le personnage est très réussi, donnant au récit une dimension humaniste bienvenue.
Enfin, Requiem pour les fantômes n'en demeure pas moins une Fantasy, laquelle est personnifiée par Faland, personnage énigmatique, si ce n'est inquiétant, qui ère à son gré dans le no man's land, armé de son seul violon dont il joue divinement... Cavalier de l'apocalypse ? Incarnation de Satan ? Ce qui est sûr c'est qu'autour de lui la mort rôde et qu'il reste à déterminer si c'est pour le meilleur ou le pire...
Katherine ARDEN se rappelle donc à notre bon souvenir et se révèle décidément l'auteure américaine la plus européenne de sa génération. Avec Requiem pour les fantômes elle s'intéresse à une guerre qui n'est pas une préoccupation américaine, relevant tout juste de l'anecdote dans les livres d'Histoire. Avec Requiem pour les fantômes, elle nous livre un roman inspiré, pas particulièrement original dans sa thématique principale (l'iniquité d'une guerre dirigée par des généraux depuis des châteaux luxueux, alors que les troupes stagnent dans des tranchées boueuses en compagnie de cadavres), mais très élégant dans son traitement, donnant à sa Fantasy une cruelle crédibilité.
C'est incontestablement à lire, notamment par les amateurs d'un genre qui a bien trop souvent du mal à se renouveler, mais aussi par tous les lecteurs un tant soit peu intéressés par la Première Guerre mondiale.