Borne est un roman post-apocalyptique. Il se déroule dans une ville en ruine et quasiment abandonnée dont on ne sait à peu près rien, pas même son nom. Au fil du récit on comprend tout de même qu'elle a connu la guerre et son lot de destructions comme inévitable corollaire. En son sein demeure tout de même la Compagnie, une organisation tout autant mystérieuse mais qui a peuplé la ville de ses créations, choses et créatures étranges et dangereuses. Parmi elles il y a Mord, un ours volant haut comme un immeuble de plusieurs étages, et qui survole la ville comme une vigie impitoyable. A la périphérie de la ville demeure tout de même la Magicienne, une survivante de la Compagnie qui transforme les enfants abandonnés de la cité pour en faire de parfaits petits soldats à ses ordres. C'est dans un tel univers que survivent Wick, ancien scientifique de la Compagnie, et la jeune Rachel, sa compagne. C'est cette dernière qui découvre dans ses pérégrinations un étrange ectoplasme doté indéniablement de vie, de capacités d'apprentissage et d'une forte propension à susciter l'empathie. Tel un véritable animal de compagnie elle le nomme Borne...
Borne est un roman Weird, genre dont Jeff VANDERMEER est incontestablement le prophète. Non seulement il développe un world building étrange et complexe, mais il distille ses explications avec parcimonie, invitant le lecteur à accepter l'univers dans lequel il est immergé pour se faire témoin d'une histoire dramatique dont les thématiques se révèlent in fine universelles. Ici l'auteur américain se livre à une véritable réflexion sur l'altérité et, surtout, sur l'identité. Qu'est-ce qui définit une personne ? Les seuls critères physiques ne suffisent manifestement pas à répondre clairement à cette question car ce serait omettre la conscience et la façon dont on appréhende la vie (et la mort) et les notions aussi triviales que complexes que sont celles du Bien et du Mal.
Comme toutes les (trop) rares publications françaises de Jeff VANDERMEER, Borne est un roman fascinant. Certes il ne le sera que pour les lecteurs qui apprécient d'être bousculés, voire éjectés de leur zone de confort. C'est le prix de l'originalité et celle de l'auteur américain est précieuse.