Une chose est certaine, les habitués de Guy Gavriel KAY n'ont pas besoin de voir son nom imprimé sur la couverture de ses romans pour reconnaître son style et ses préoccupations d'auteur, en tout cas depuis Tigane en 1990. Alors rappelons simplement pour ceux qui ne le connaissent pas encore qu'il aime développer une Fantasy proche de l'Histoire dans laquelle la magie se veut discrète, tout juste représentative du paganisme des époques dans lesquelles il situe ses intrigues, et le bestiaire traditionnel du genre totalement absent. De même on ne trouve pas chez KAY de super-héros invincible mais des personnages humains, avec leurs forces comme leurs faiblesses, et dont le mode de vie est décrit de façon à rendre compte de la vie en société en un lieu et à une époque lointaine.
Si cette époque est toujours sensiblement la même, bien qu'étendue (le Moyen-Age), jusqu'à maintenant l'auteur s'était surtout intéressé aux pays du sud, essentiellement européens (France, Italie, Espagne), mais aussi proche-orientaux (l'empire byzantin). Avec Le dernier rayon du soleil il se situe bien plus au nord, et veut rendre compte d'une période de l'Histoire pendant laquelle les gallois s'allient aux anglo-saxons pour combattre les invasions danoises, soit la fin du IXème siècle sous le règne du roi anglais Alfred le Grand.
Comme d'habitude avec KAY, ce contexte n'est pas décrit directement mais suggéré par le biais d'un univers peuplé de personnages imaginaires. C'est ainsi que les gallois sont appelés Cyngaëls, les anglo-saxons Anglcyns, et les vikings Erlings ; quant à Alfred le Grand il s'agit d'Aëldred. C'est donc au lecteur de faire le rapprochement avec l'Histoire s'il le souhaite, mais il peut tout aussi bien s'en dispenser et considérer ce qu'il lit comme une pure Fantasy. Ce serait toutefois dommage pour l'intérêt intellectuel du roman.
Même si la technique narrative de Guy Gavriel KAY est éprouvée, force est ici de reconnaître que le résultat est en demi-teinte. On appréciera bien sûr la dimension humaine du roman, ainsi que le rejet de tout manichéisme de la part de l'auteur. Mais on peut aussi lui reprocher une certaine facilité dans le développement de son intrigue, tant du point de vue du suspense (rien n'est particulièrement inattendu, et il ne se passe finalement pas grand chose) que de la référence un peu trop systématique à l'aigle de sang, mode d'exécution aussi spectaculaire que douteux d'un point de vue historique. Et n'oublions pas non plus le happy-end, autre marque de fabrique de KAY, mais peut-être ici un peu plus agaçant que dans ses autres productions.
En d'autres termes, Le dernier rayon du soleil risque fort d'être une déception pour les habitués de l'auteur ; pour les autres ils ont ici l'occasion de lire une Fantasy historique joliment écrite mais dont la facilité la fera oublier aussi vite qu'elle aura été lue.