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C'est une histoire de sa ville natale, Northampton, qu'Alan MOORE nous raconte en douze chapitres. De 4000 avant Jésus-Christ à 1995, les périodes clés de la ville font l'objet d'une peinture au travers de la vie d'un témoin direct, qui se fait narrateur pour l'occasion.

Il y a cet enfant attardé du néolithique qui découvre l'amour, la jalousie et le mensonge en rencontrant  plus évolués que lui. Il y a encore cette jeune femme du chalcolithique qui souhaite hériter des trésors de son père relevant du chamanisme. Il y a ensuite ce chasseur de l'âge de fer qui est témoin de la disparition de tous les membres de son clan. Et puis il y a cet émissaire de Rome qui découvre que le déclin de l'Empire romain est imminent, puis cette vieille nonne qui revit la mort d'un martyr au début du Moyen-Âge. L'on apprend alors comment une église circulaire fut construite par un chevalier de retour des Croisades. L'un des seuls survivants de la Conspiration des poudres, qui visait à assassiner le roi protestant Jacques Ier au début du XVIIème siècle, raconte comment le complot fut maté. Quelques années plus tard, par concupiscence, un juge itinérant est victime de quatre sorcières. Un siècle plus tard, une autre sorcière retrace les étapes de sa vie alors qu'elle est en train de brûler, en compagnie de son amante, sur le bûcher auquel elles ont été condamnées. Pour les périodes les plus récentes, c'est un simple d'esprit qui nous raconte comment, au milieu du XIXème siècle, il s'est échappé de l'asile pour retrouver la femme qu'il n'a jamais eu ; en 1931, c'est un représentant en jarretelles qui fait le bilan de sa vie au moment de son procès ; c'est enfin l'auteur lui-même qui fait la synthèse de tout ce qui précède en nous faisant visiter Northampton en 1995.

Enumérés ainsi, ces douze chapitres peuvent sembler parfaitement décousus. En effet, la narration est par définition non linéaire, mais il faut garder à l'esprit que toutes les intrigues se déroulent en un même lieu, sur ces quelques km² où est sise aujourd'hui la ville de Northampton. Et puis Alan MOORE sait relier ses chapitres par des motifs récurrents qui constituent les fondations de l'histoire de sa ville. C'est par exemples la rivière Nene qui la borde, et l'église circulaire qui est une de ses curiosités historiques. C'est encore des images plus mythologiques tels ces immenses chiens noirs, ces jambes estropiées ou ses têtes tranchées. C'est surtout le feu que l'on retrouve dans tous les chapitres, et qui sert encore aujourd'hui de commémoration de la Conspiration des poudres tous les 5 novembre.

Et puis il y a les thèmes abordés par Alan MOORE. Ceux-ci relèvent de la vie et de la mort des hommes et des femmes qui ont fait l'histoire de Northampton, une histoire imaginaire qui court en permanence sur un fil ténu séparant le réel du surnaturel. Les vies y sont difficiles, les relations entre hommes et femmes ne sont guère que sexuelles, les morts sont souvent violentes, bien que suggérées la plupart du temps. La synthèse de tout cela se trouve probablement dans la magie et la sorcellerie, qui réapparaissent régulièrement tout au long du roman.

Tout cela fait de La voix du feu un roman à tiroirs. Chaque tiroir dévoile un mystère, tous les mystères n'étant pas résolus, et ceux qui le sont ouvrant la porte à d'autres interrogations. Sous la plume de MOORE, c'est à l'image de la vie de tout être humain dont bien des pans resteront à jamais inexpliqués.

La voix du feu est finalement une oeuvre profondément originale. Elle est certes complexe, mais on la lit avec plaisir de la première à la dernière page, tout en sachant que d'autres lectures, tout aussi plaisantes, seront nécessaires pour en appréhender correctement ses secrets et sa richesse.

 

CITRIQ

La voix du feu - Alan MOORE (Voice of the Fire, 1996), traduction de Patrick MARCEL, illustration de Néjib BELHADJ-KACEM, Calmann-Lévy collection Interstices, 2008, 336 pages

La voix du feu - Alan MOORE (Voice of the Fire, 1996), traduction de Patrick MARCEL, illustration de Néjib BELHADJ-KACEM, Calmann-Lévy collection Interstices, 2008, 336 pages

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