Jeune américain suivant des études de graphisme à Toronto, Adam Fisk ne sait plus trop où il en est quand sa grand-mère, qui finance ses études, perd son autonomie puis décède. Il ne peut plus guère compter sur sa famille, dirigée par un père tyrannique, républicain bon teint pour lequel, en dehors des affaires, il n'existe pas de salut ; il ne peut pas non plus financer seul ses études. Alors qu'il est prêt à se placer sous le joug paternel et à démarrer une vie rangée qu'on a prédestinée pour lui, il reçoit le résultat d'un programme qu'il a suivi sans trop bien savoir pourquoi : il appartient à l'Affinité Tau.
Les Affinités sont des groupes sociaux théorisés par un chercheur en neuro-anthropologie et commercialisés par une obscure société commerciale. Leurs membres sont catalogués, et rapprochés par groupes (tranches), sur la base de leur propension à s'entendre et se comprendre. Ainsi les membres d'une tranche vivent-ils une véritable communion de pensée, s'entraident dans tous les aspects de leur vie sociale, et tissent entre eux des relations très étroites. Ainsi Adam Fisk intègre-t-il un cercle d'amis très proches, n'a aucune difficulté pour trouver un travail, et entamer une relation amoureuse. Tout est donc merveilleux dans le meilleur des mondes, d'autant que les Affinités ne font que démarrer et que, les années passant, elles deviennent un véritable modèle social prenant l'ascendant sur l'ancien.
Cette révolution sociale serait-elle la première à se faire sans violence ? Les premières années d'existence des Affinités semblent aller dans ce sens. Mais avec leur croissance démographique les oppositions apparaissent, notamment entre les deux plus grandes Affinités que sont Tau et Het. Et bientôt les oppositions deviennent conflit dans lequel Adam Fisk est amené à jouer un rôle actif...
Avec son nouveau roman Robert Charles WILSON nous propose donc une science fiction très proche d'une certaine actualité. Les Affinités ne sont en effet pas sans rappeler les réseaux sociaux qui fleurissent en ce début de XXIème siècle ; par ailleurs, le concept d'Affinité n'est pas purement imaginaire mais inspiré des travaux du véritable neuro-anthropologue Terrence W. Deacon, lequel s'intéresse notamment aux « processus thermodynamiques inhérents aux êtres vivants, et par extension à la conscience humaine » (note de l'auteur en vin de volume). A ce titre, le roman est véritablement passionnant.
Comme à son habitude, WILSON nous propose aussi une science fiction humaniste dans laquelle le lecteur n'a aucune difficulté à s'immerger. Le personnage d'Adam Fisk est ainsi particulièrement réussi, notamment pour l'ambivalence de ses relations sociales, celles qu'il vit avec sa famille biologique d'une part, avec sa « famille d'Affinité » d'autre part.
Tout cela aurait pu donner un roman vertigineux comme l'a été Spin dix ans auparavant. Robert Charles WILSON ne développe toutefois pas suffisamment son intrigue pour cela. Il passe par exemple rapidement sur la montée en puissance des Affinités, encore plus sur le conflit mondial qui émerge depuis le sous-continent indien. En fait, l'auteur se concentre sur l'action vécue par Adam Fisk entre Toronto et le nord de l'Etat de New York, et n'évoque que de loin les répercussions mondiales de la révolution sociale qu'il a imaginé. Mais que l'on ne s'y trompe pas, Les Affinités est un excellent roman qui fera date dans sa bibliographie.