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En 2015, Patricia Cowan termine sa vie dans une maison de retraite. Née en 1926, elle souffre depuis de nombreuses années d'une mémoire immédiate défaillante sans que sa mémoire à long terme ne semble a priori affectée. Toutefois l'esprit de Patricia est en pleine confusion puisqu'elle se souvient de deux vies distinctes...

Dans la première, elle a épousé Mark en 1949 à l'issue d'une liaison épistolaire et platonique de plusieurs années. A partir de ce moment le romantisme de la jeune femme est douché froidement, son époux montrant dès la nuit de noce sa véritable nature et l'idée qu'il se fait des femmes ; elles ne sont là que pour réaliser les tâches ménagères et procréer.

Dans sa seconde vie, Patricia a refusé la demande en mariage de Mark. Dès lors démarre pour elle une vie où l'indépendance de son caractère s'épanouit pleinement. C'est d'abord les succès professionnels, puis l'amour personnifié par Beatrice avec qui elle vivra de longues décennies.

Dans l'une comme dans l'autre de ses vies, Patricia a eu de nombreux enfants. Et peu importe l'orthodoxie de leur procréation, elle les aime tous sans distinction puisque chacun contribue au ciment de son multivers intime.

Mais finalement laquelle de ces deux vies est-elle réelle ? Qui sont ses vrais enfants ? Dans quel monde Patricia vit-elle vraiment ? Car il n'y a pas que son intimité qui a divergé en 1949. C'est le monde des Hommes dans son entier qui est affecté. Dans l'un la fin de la Seconde guerre mondiale permet à l'Humanité de s'engager dans un cycle de progrès dans lequel la technologie est au service de la Terre et du bonheur des Hommes. Dans l'autre la fin de la guerre signe une entrée dans une spirale infernale, celle du nucléaire qui ne cesse de tout détruire sur son passage. Pour Patricia les deux réalités alternatives la font aller et venir entre une vie morne et solitaire dans une société radieuse, et une vie épanouissante dans le chaos.

Ce faisant Jo WALTON développe un très beau récit humaniste dans lequel elle alterne les deux vies de Patricia. Elle y développe des thèmes fortement marqués par le féminisme, à commencer par les luttes pour la libération sexuelle et l'émancipation des femmes, et plus largement pour l'acceptation de l'autre. Le fait que les deux réalités alternatives du monde des Hommes soient peu développées n'est pas dérangeant puisque l'auteure galloise choisit à bon escient de se concentrer brillamment sur la confusion mentale et l'intimité de son personnage principal. De ce strict point de vue, sa prose n'est pas sans rappeler certains romans de Joyce Carol OATES. Mais les lecteurs amateurs d'imaginaire apprécieront aussi certainement le final très priestien puisque très ouvert et sans réponse définitive à la question principale qui est posée plus haut.

Doté du Prix James Tiptree Jr. en 2014, Mes vrais enfants est présenté comme le chef-d'oeuvre de Jo WALTON en quatrième de couverture de cette édition française. Je ne peux qu'acquiescer à cette assertion et être convaincu qu'il sera en bonne place à la fin de l'année dans les listes recensant les meilleurs romans de 2017.

CITRIQ
Mes vrais enfants - Jo WALTON (My Real Children, 2014), traduction de Florence DOLISI, illustration de Aurélien POLICE, Denoël collection Lunes d'Encre, 2017, 352 pages

Mes vrais enfants - Jo WALTON (My Real Children, 2014), traduction de Florence DOLISI, illustration de Aurélien POLICE, Denoël collection Lunes d'Encre, 2017, 352 pages

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