Victus est un roman historique consacré à la guerre de Succession d'Espagne. Conflit ayant opposé les puissances européennes au tout début du XVIIIème siècle pour la succession sur le trône d'Espagne, et de ce fait la domination en Europe, il permit à Louis XIV d'installer un monarque français à Madrid. Bien que son pouvoir s'avèrera réduit, y compris pour sa descendance, cela donnera naissance à la dynastie des Bourbons d'Espagne qui règne toujours aujourd'hui.
Mais le propos d'Albert SANCHEZ PINOL est ailleurs. Comme le suggère le sous-titre du roman, il s'intéresse plus spécifiquement à Barcelone, au siège de deux années qu'elle vécut, et à sa chute en 1714 face aux assauts des troupes françaises. Il construit son récit autour d'un personnage historique obscur mais bel et bien réel, Marti Zuviria. Mentionné dans les chroniques historiques comme traducteur, assistant du général Villarroel, ou effectuant des missions à l’extérieur de Barcelone pendant le siège, on sait qu'il y survécut et qu'il s'expatria à Vienne, à la cours des Habsbourg.
Sous la plume de PINOL, c'est d'ailleurs depuis Vienne, au crépuscule de sa vie, qu'il raconte ses années de jeunesse, de sa formation d'ingénieur auprès de Sébastien Le Prestre, Marquis de Vauban, au drame que fut la reddition de Barcelone en 1714, en passant par ses engagements successifs au sein des diverses coalitions européennes qui convoitent la couronne espagnole. C'est alors un jeune garçon dynamique et impertinent qui enchaîne les frasques que les puissants lui pardonnent systématiquement grâce à son charisme et son talent. Mais la guerre étant ce qu'elle est, et la chute de Barcelone faisant figure d'injustice crasse, c'est bel et bien un vieillard cynique et désabusé qui dicte, depuis son exil viennois, les mémoires d’un picaro qui a écrit l’Histoire.
Car Victus est bel et bien une œuvre dans la tradition du roman picaresque. Au travers des extravagances de Marti Zuviria, Albert SANCHEZ PINOL nous présente le tableau précis d'une Espagne déchirée politiquement, et nous décrit dans les moindres détails les techniques militaires de l'époque. De ce point de vue son roman est d'ailleurs peut-être empreint de quelques longueurs, mais celles-ci sont largement compensées par l'omniprésence de l'humour dans son récit. On appréciera aussi que le roman soit abondamment illustré de gravures originales.