Theodore Decker a 13 ans quand il visite avec sa mère le Metropolitan Museum de New York. Elle lui fait notamment admirer « Le Chardonneret », un petit tableau du peintre flamand Carel Fabritius, élève de Rembrandt, dont la plupart des œuvres ont disparu dans l’explosion de la poudrière de Delft en 1654. Pour sa part Theo s'intéresse plus à une adolescente qui visite le musée avec un vieil homme quand un attentat à la bombe fait des dizaines de morts, dont sa mère. Dans la panique générale le jeune garçon, miraculeusement indemne, vole le petit tableau que sa mère aimait tant, donnant de ce fait le top départ d'une vie d'errances entre le Nevada, New-York et un bref mais intense passage aux Pays-Bas.
Roman initiatique, Le Chardonneret aborde une multitude de thèmes propres à la vie d'un adolescent blessé au plus profond de son âme, et dont la vie s'articule en conséquence de choix hasardeux et de rencontres improbables avec d'autres écorchés vifs. Ainsi Theo est-il constamment au bord de la chute, ne trouvant de salut que dans son goût pour l'art transmis par cette mère qu'il aimait tant. De ce fait, le tableau de Fabritius est en quelque sorte un fil rouge qui, même si Theo le cache à tous les regards, y compris au sien, contribue de manière récurrente à la construction du jeune homme.
Le monde de l'art est d'ailleurs omniprésent dans le récit de Donna TARTT. C'est dans celui-ci que Theo trouve une formation, et bientôt un métier, conformes à ses aspirations ; c'est avec les trafics divers et variés qui le parasitent que l'auteure construit son intrigue. Elle multiplie ainsi les références picturales et consacre tout un pan de son récit à la restauration des meubles anciens. Mais ses références sont également littéraires, notamment avec de grands écrivains français tels CAMUS ou PROUST. Pour autant c'est à Charles DICKENS que Le chardonneret fait irrémédiablement penser, Theodore Decker étant en quelque sorte un Oliver Twist des temps modernes, la construction du roman rappelant pour sa part celle des Grandes espérances.
Tout cela donne au Chardonneret une forte densité et une taille conséquente. Pour autant la prose de Donna TARTT est toujours fluide, contribuant à capter l'intérêt du lecteur pour la destinée de Theo Decker. En fait, s'il n'y avait qu'une chose à regretter, ce serait certainement le fait que les éléments de suspense restent au second plan en permanence, l'intrigue n'étant manifestement pas la préoccupation première de l'auteure américaine.