Monument de la littérature américaine, la trilogie U.S.A. de John Dos PASSOS a été écrite dans les années 1930 et dresse le portrait des Etats-Unis en tant que puissance mondiale émergente. Le 42e parallèle (The 42nd Parallel, 1930) couvre la première décennie du XXème siècle et raconte l'histoire d'une Amérique prônant un capitalisme conquérant quand une minorité tente de faire vivre un espoir socialiste, dans le sens le plus noble du terme. Dans 1919 (Nineteen Nineteen, 1932), les Etats-Unis reviennent renforcés de la Première Guerre mondiale ; c'est le temps des succès économiques les plus extravagants de quelques uns quand le plus grand nombre ne peut que survivre. La grosse galette (The Big Money, 1936) couvre les années 1920, ces Années folles dans l'imaginaire collectif, mais surtout celles de la misère humaine engendrée par une prospérité qui n'est finalement qu'apparente ; en toile de fond c'est l'affaire Sacco et Vanzetti et plus tard, à la fin de la décennie, la Grande Dépression qui marquera à jamais les années 1930.
L'œuvre dans son ensemble propose donc une Histoire des trois premières décennies d'un siècle qui permettra à un pays de s'enrichir mais aussi d'installer les conditions de sa déchéance morale, et dont les conséquences sont toujours d'actualité un siècle plus tard. La prose de John Dos PASSOS est à ce titre d'une incroyable modernité, en particulier grâce à une structure totalement inédite à l'époque. Quatre discours autonomes en composent en effet la trame. Il y a bien sûr les histoires d'une douzaine de personnages de fiction qui en forment l'essentiel quantitativement parlant. Mais ceux-ci sont aussi entrecoupés de « vignettes » plus brèves venant illustrer des vies qui n'ont de fictives que le nom. Ces interludes sont tantôt des « Actualités », à savoir des collages de titres de journaux, discours publics, publicités et chansons populaires de l'époque, tantôt des notices biographiques de personnages historiques ayant marqués leur époque, en l'occurrence essentiellement des industriels, scientifiques et artistes ; et il y a également les interludes intitulés « L'Œil-caméra » dans lesquels l'auteur laisse libre cours à ses propres souvenirs en adoptant la technique du courant de conscience.
Si « L'Œil-caméra » n'est clairement pas ce qui est le plus facile à lire et à comprendre, notamment du fait de la totale liberté qui caractérise la technique narrative en termes de syntaxe et de ponctuation, l'ensemble de la trilogie forme néanmoins un tout cohérent et passionnant que l'on suit avec un certaine fascination dès lors que l'on montre un minimum d'intérêt pour l'Histoire des Etats-Unis. A cette condition le lecteur pourrait bien considérer la trilogie U.S.A. comme un monument de la littérature mondiale, et non uniquement américaine.
On saluera également le travail d'édition qui, comme souvent dans la collection Quarto de Gallimard, est enrichi d'une précieuse chronologie historique (il ne faut pas compter sur Dos PASSOS pour aider le lecteur à situer le récit dans la trame historique), d'un riche dictionnaire de noms tant propres que communs. et bien sûr d'une biographie détaillée de l'auteur.