Le livre de M est un premier roman d'une jeune auteure américaine. Il est à classer dans la plus pure tradition du roman post-apocalyptique. Car dans un futur indéterminé un homme a un jour perdu son ombre puis, peu à peu, sa mémoire, le phénomène se diffusant à grande vitesse partout dans le monde. Et comme la perte des souvenirs équivaut à celle des repères, les victimes deviennent dangereuses, pour elles-mêmes comme pour les autres. C'est dans ce contexte que le couple formé par Max et Ory s'est réfugié dans un hôtel abandonné au fond d'une forêt de Virginie. Jusqu'à ce que Max perde à son tour son ombre, point de départ d'une inexorable descente dans l'oubli...
L'intrigue développée ici est donc d'un grand classicisme, et même lue des dizaines de fois par les amateurs du genre. Toutefois le traitement qu'en réalise l'auteure est tout à fait personnel grâce à une subtile réflexion sur le rôle de la mémoire pour l'humanité, et à un superbe portrait de femme (Max) qui lutte sans relâche contre son inexorable destin. Le tout est mâtiné d'une petite touche d'hindouisme, la première victime de la pandémie étant indienne, et un incroyable mystère de la vie permettant d'alimenter la réflexion : pourquoi les éléphants sont-ils capables de se souvenir de choses dont ils n'ont pas fait directement l'expérience, mais qui leur viennent d'autres éléphants ?
Le livre de M est à tous ces titres une lecture aussi plaisante qu'intéressante. Elle n'est certes pas dénuée de défaut, en particulier quelques longueurs dans la troisième partie (sur cinq), mais le sentiment qui domine une fois le livre refermé est celui d'une intrigue maîtrisée et d'une grande empathie avec ses personnages. De ce dernier point de vue l'ultime chapitre du Livre de M est particulièrement poignant. Cela suffit pour donner envie de suivre avec intérêt les futures productions de Peng SHEPHERD.