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Inde, 2047. La sécheresse est à son comble, les tensions ethniques au plus fort, en particulier entre le Bhârat (hindou) et l’Awadh (musulman). Rien n'a changé depuis l'indépendance, un siècle plus tôt, si ce ne sont les progrès technologiques qui ont permis d'intégrer intelligences artificielles et manipulations génétiques dans les moindres recoins de la société humaine. Vârânacî, sur la rive gauche du Gangâ sacré, est la métropole à l'image de cette Inde ancestralement multiple ; métropole en pleine expansion, elle est surpeuplée, manque cruellement d’eau, et fait se côtoyer la dévotion la plus stricte et les technologies les plus évoluées. C’est dans ses ruelles, mais aussi dans ses lieux les plus importants, que se joue l’avenir du pays, et incidemment du monde, autour du destin de neuf individus que tout oppose a priori.

 

C'est d'ailleurs autour de ces itinéraires personnels que Ian McDONALD structure peu à peu son intrigue tout en donnant au lecteur un panorama complet de cette Inde futuriste dans laquelle il n'a aucun mal à se projeter tant elle est crédible. On y croise tour à tour Shiv, petite frappe spécialisée dans le trafic d'organes humains, M. Nanda, flic Krishna chargé d’éliminer les intelligences artificielles non autorisées, Pâvarti son épouse, déchirée entre le respect des conventions sociales et ses désirs personnels, Shahîn Badûr Khan, directeur de cabinet de la Première Ministre du Bhârat, Nadja, journaliste afghano-suédoise arriviste, Lisa Durnau, jeune biologiste évolutionnaire, Thomas Lull son ancien amant, une référence dans le domaine des intelligences artificielles, Tal, info-décorateur dans un soap vedette de la télévision bhârati, mais surtout neutre, c’est-à-dire asexué par ingénierie génétique, Vishram, fils cadet d’une riche famille d’entrepreneurs qui rêve de devenir humoriste.

 

McDONALD plonge ainsi l'intimité de ces personnages dans des problématiques géopolitiques et scientifiques de leur époque, abordant de ce fait bon nombre de thèmes classiques de la science fiction moderne. De l'intelligence artificielle à l'écologie, en passant par les cybertechnologies et les manipulations génétiques, on pensera souvent à Philip K. DICK, en particulier avec cette traque des "aeais" non autorisées, et à Greg EGAN, quand ces sujets sont abordés à l'aune des problèmes éthiques et identitaires qu'ils peuvent poser. Mais là où Ian McDONALD se démarque de ces illustres références c'est que jamais il n'abandonne le côté humain de ses personnages ; au contraire, il développe progressivement la charge émotionnelle qui s'en dégage.

 

On pourra penser, à juste titre, que tout ceci a déjà été lu à de multiples reprises. Néanmoins, Le fleuve des dieux est une grande réussite puisque le lecteur n'a aucun mal à s'attacher aux neufs personnalités mises en scène ; de même l'immersion dans l'univers indo-musulman décrit est également aisée grâce à l'écriture rythmée de l'auteur et à son choix de ne pas occidentaliser bon nombre de termes locaux ; enfin tout cela fait que les problématiques plus scientifiques, abordées en marge du récit, sont bel et bien ressenties comme partie intégrante du grand tout que forme l'intrigue. En fait, Le fleuve des dieux est tout simplement un excellent roman de science fiction, indiscutablement l'un des meilleurs de l'année 2010.

 

CITRIQ

Le fleuve des dieux - Ian McDONALD (River of Gods, 2004), traduction de Gilles GOULLET, illustration de MANCHU, Denoël collection Lunes d'Encre, 2010, 624 pages

Le fleuve des dieux - Ian McDONALD (River of Gods, 2004), traduction de Gilles GOULLET, illustration de MANCHU, Denoël collection Lunes d'Encre, 2010, 624 pages

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