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Publié pour la première fois en 1976 aux Etats-Unis, Arslan avait alors marqué le monde de la science fiction américaine en mettant en scène une Amérique occupée par une armée originaire d'une petite région d'Asie centrale, le Turkestan. Scandale ! Les Etats-Unis n'ont jamais été occupés et l'idée même d'une telle situation est polémique dans un pays ou la fierté nationaliste est souvent exacerbée. En outre le leader de l'armée d'occupation, dont le nom donne son titre au roman, choisit la petite ville de Kraftsville, Illinois pour installer son régime dictatorial dont la vocation est d'instaurer une société basée sur l'autosuffisance, et en tout cas en dehors de toute référence au capitalisme ou au communisme. Arslan est enfin un tyran impitoyable qui assoit son pouvoir sur la terreur, les actes pédophile étant en bonne place dans son arsenal.

Dès lors le roman de Mary Jane ENGH, qui signait alors sa première oeuvre, repose sur deux visions distinctes de la situation à Kraftsville. Il s'agit d'une part des échanges qui s'instaurent entre le dictateur et Franklin Bond, principal du lycée désigné par Arslan superviseur du district chargé par ailleurs d'assurer l'interface avec le reste de la population. Il s'agit d'autre part de la vision qu'a le jeune Hunt Morgan de son bourreau Arslan ; ce dernier a en effet jeté son dévolu sur le premier à son arrivée dans la ville, en le violant publiquement, puis en faisant de lui un esclave.

Le récit de Bond est factuel. Digne représentant de la classe moyenne américaine, chrétienne jusqu'au bout des ongles, il devient collaborateur pour protéger son peuple tout en organisant parallèlement une résistance à l'envahisseur. Mais la force des choses est telle que les années passant Franklin Bond finit, si ce n'est par apprécier, du moins par respecter Arslan. Sentiment humain s'il en est, il n'en est pas moins perturbant quand il porte sur un tel personnage.

Cela n'est toutefois rien comparé au récit de Morgan. L'adolescent devenant jeune adulte au fil du temps, se pose dans le récit comme une parfaite victime du syndrome de Stockholm. Brisé dès son entrée en scène, le jeune garçon développe très vite une fascination vis-à-vis de son bourreau, laquelle se transforme en attirance en prenant de l'âge. Il nous livre un récit bien plus complexe que Bond, tout en sous-entendus et métaphores.

Bond comme Morgan rendent le personnage d'Arslan complexe. Très loin de la caricature, sous leurs yeux il devient ambivalent, à la fois monstre de cruauté et idéologue d'une doctrine qui pourrait être noble si elle ne conduisait pas à combattre l'humanité pour sauver le monde. Quarante ans après sa première publication, la traduction française du roman montre qu'il demeure aujourd'hui (peut-être encore plus qu'hier) d'une troublante actualité. Il est difficile d'affirmer que sa lecture est plaisante, mais elle est indéniablement intéressante. Arslan est de ce point de vue un roman conçu pour la réflexion, et non pour le divertissement.

CITRIQ

Arslan - M. J. ENGH (Arslan, 1976), traduction de Jacques COLLIN , illustration de Aurélien POLICE , Denoël collection Lunes d'Encre, 2016 , 400 pages

Arslan - M. J. ENGH (Arslan, 1976), traduction de Jacques COLLIN , illustration de Aurélien POLICE , Denoël collection Lunes d'Encre, 2016 , 400 pages

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